Un homme est en train de couler doucement…au milieu des méduses, il ne se souvient pas de ce qui s’était passé, des images surgissent , des flashes désordonnés, fantasmagoriques. Il perd la notion du temps. Tu vas mourir noyé, voilà ce qui va se passer. Milo Malart commença à couler.
C'est à travers ce cauchemar que nous découvrons notre inspecteur — héro de l’œuvre de Aro Sáïnz de la Maza — dans ce roman éponyme où sa situation paraît désespérée. Il y a pourtant quelque chose qui cloche, on n’arrive pas à y croire.
Certes Malart reste introuvable, mais ce qui jette le trouble dans le GEHME, Groupe spécial d’homicides de la police de Catalogne, c‘est qu’au large des cotes barcelonaises un somptueux yacht vient d'être découvert dérivant sans équipage. Il traîne au bout de deux filins les cadavres de ses propriétaires. Un couple de la Jet Set locale, qui navigue pourtant en eaux troubles. En fait deux psychopathes à la perversité sans borne, accusés puis relaxés grâce à des preuves falsifiées. Ils hantent les nuits de l’inspecteur Malart qui, à l’insu de sa hiérarchie, les traque depuis des années. Pis, le bateau est saturé de l'ADN de l’inspecteur ! C’est ainsi que débute une course contre la montre pour sauver le soldat Malart, avant que ses ennemis ne le détruise. On a ici un concentré de ce que fait le mieux Aro Sáïnz de la Maza : la faculté donnée à ses personnages se mettre dans la peau d’un autre , à commencer par son Inspecteur le plus révolté d’Espagne, en guerre contre une société gangrenée par l’argent, le pouvoir et la corruption. Pour se sortir d'une situation impossible Malart joue ainsi une partie d’échecs mortifère contre un vaillant guerrier qui a tout perdu.
À force d’introspection, l’inspecteur s’est mis dans la tête de Goran pour trouver sa corde sensible et l’affronter d’homme à homme avec cette ultime répartie désespérée comme le sont les chants les plus beaux: nous sommes tous comme la boule dans un flipper dit Malart. On va dans un sens et dans un autre, mais on finit toujours dans le trou. Tout le monde, toi et moi compris. Plus troublant, ce mimétisme contamine aussi ses coéquipiers qui finissent par adopter ses méthodes hors normes pour le retrouver et extirper du piège ce collègue que sa névrose obsessionnelle à mené au bord du précipice.
Comme la sous-inspectrice — appellation contrôlée ? — Rebeca Mercader si intrépide quand il s’agit de sauver Malart qu’elle gagne la réputation d’avoir les ovaires bien accrochés. Plus déstabilisant encore quand le puzzle commence à prendre forme, souvent les mêmes questions viennent dans la tête des accusés comme des enquêteurs qui : la vengeance peut elle être là seule réponse possible comme réponse au viol ? Suis-je capable de tuer ? Il s’agit de comprendre comment et pourquoi les protagonistes ont agit de cette manière qui les place en porte-à-faux. Face aux coups tordus et à la merci d'une taupe, entre guerre des polices et l’intransigeance pas toujours innocente de l’appareil judiciaire, l’équipe sait qu'elle risque gros en voulant dévoiler une vérité que les puissants voulait faire taire. Et que tous les coups sont permis dans un monde où l’argent hurle, la richesse murmure comme le dit la sous-inspectrice Mercader.
Malart
Aro Sáinz de la Maza
Éditions Actes Sud (Actes noirs 2024)
Traduit de l’espagnol par Serge Mestre
NOS SOUTIENS ET PARTENAIRES